L’obsolescence programmée : quand l’abus de langage devient un réflexe

L’obsolescence programmée est souvent un abus de langage. Découvrez pourquoi vos appareils tombent en panne, comment distinguer usure normale et escroquerie, et quelles solutions adopter pour un numérique plus durable

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Ah,l’obsolescence programmée… Ce terme magique qu’on sort dès qu’un truc tombe en panne, ralentit ou ne fait plus bip bip comme avant. Entre les smartphones qui rament après deux ans, les imprimantes qui refusent de vivre sans leurs cartouches à 50 balles et les mises à jour qui transforment ton PC en presse-papiers, tout y passe. Sauf que voilà : dans 90 % des cas, on est juste en train de confondre usure normale, paresse industrielle et véritable escroquerie organisée. Et ça, ça commence à bien faire.

Alors aujourd’hui, on rembobine. Parce que non, ton vieux Mac qui ne lance plus la dernière version de Chrome, ce n’est pas forcément un complot ourdi dans un bureau climatisé par des PDG maléfiques. Parfois — souvent même — c’est juste la vie. Et la vie, ça s’use.

L’obsolescence programmée, c’est comme les licornes : tout le monde en parle, mais personne ne les a jamais vues

En théorie, l’obsolescence programmée, c’est du sabotage organisé. Un fabricant qui planque une petite bombe à retardement dans ton appareil pour te forcer à racheter un nouveau modèle dans trois ans. En pratique ? C’est ultra-rare, et surtout, c’est illégal (en France depuis 2015, merci la loi). Pour que ça tienne devant un tribunal, il faut prouver que :

  • Le fabricant a sciemment conçu le produit pour qu’il claque.
  • Il l’a fait exprès, avec des preuves à l’appui (mails internes, schémas truqués, etc.).

Exemples réels (et comptés sur les doigts d’une main) :

  • Les ampoules des années 1920, sabordées pour griller après 1 000 heures (merci le cartel Phoebe).
  • L’affaire Batterygate d’Apple, où la marque a avoué avoir bridé certains iPhone… mais pour « préserver la batterie », pas pour te faire craquer sur l’iPhone X hein.

Le problème ? Aujourd’hui, on traite ton frigo qui lâche après 10 ans ou ton téléphone qui bogue après une mise à jour comme si c’était l’œuvre d’un méchant de Cruella Denfer . Spoiler alert : non. La plupart du temps, c’est juste de la merle qui s’use. Ou pire : de la merle mal conçue, mais pas volontairement pourrie.

Le grand mélange des genres

Petit jeu : parmi ces situations, laquelle relève vraiment de l’obsolescence programmée ?

  1. Ton PC de 2012 qui ne supporte plus Windows 11.
  2. Ta télé qui a un écran plasma et que plus aucun service de streaming ne fonctionne dessus.
  3. Ton lave-linge dont le moteur a rendu l’âme après 15 ans de service.
  4. Ton smartphone qui devient lent parce que tu as installé 47 apps et 3 000 photos de ton chat.

Réponse : Aucune. Dans l’ordre, on a :

  1. De l’obsolescence technique (le matériel suit plus).
  2. De l’obsolescence logicielle (les apps abandonnent les vieux systèmes).
  3. De l’usure tout ce qu’il y a de plus normal.
  4. De la négligence utilisateur (désolé).

Pourtant, sur les réseaux, et pour les médias en quête d’article flûte-à-clique tout ça devient « ENCORE UN COUP DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE ! ». Résultat ? On crie au complot alors qu’il faudrait plutôt crier… à la médiocrité des produits, à l’absence de pièces détachées, ou à notre propre flemme de faire un peu de ménage dans nos appareils.

Conséquence : Plus personne ne prend le vrai problème au sérieux. C’est comme si on accusait tous les boulangers de nous empoisonner parce qu’on a mangé un pain rassis.

Les devs et les mises à jour : les nouveaux boucs émissaires

En tant que développeur, celui-là, il me fait rire jaune. *« Ils font exprès de casser la compatibilité pour nous forcer à updater ! »

Oui, enfin… non.

  • Un framework comme Symfony, si tu veux qu’il reste sécurisé et performant, il faut bien qu’il évolue. Maintenant, si tu veux que Symfony 2.8 (sorti en 2015) soit encore supporté en 2025, il va falloir :
    • Payer une armée de mainteneurs.
    • Accepter des failles de sécurité à gogo.
    • Bloquer toute innovation parce que « mais moi j’ai un projet en 2.8 et je veux pas migrer ! ».

Le code, ça pourrit. Les dépendances vieillissent. Les normes changent. Maintenir un truc à vie, c’est impossible — sauf à vivre dans un musée.

Exemple concret : Tu râles parce que ton site en PHP 5.6 ne tourne plus ? Normal. PHP 5.6, c’est comme essayer de faire de la politique sociale dans un gouvernement de droite : il faut laisser tomber.

Alors oui, certaines boîtes abusent (je te regarde, cette entreprise qui force ses users à changer de matériel tous les deux ans). Mais la plupart du temps, c’est juste le prix du progrès. Et le progrès, ça a un coût : le tien, c’est de devoir mettre à jour de temps en temps.

Et si on arrêtait de jouer les victimes ?

Au lieu de hurler « obsolescence programmée ! » à chaque panne, voici des trucs utiles à faire :

  • Exiger des produits réparables (merci les indices de réparabilité, même si c’est encore light).
  • Acheter du matériel modulaire (un PC fixe, un Fairphone, un Framework Laptop).
  • Soutenir les alternatives (logiciels open source, hébergements auto-gérés, matériel d’occasion).
  • Arrêter de croire que tout doit durer 20 ans sans entretien. Une batterie, ça s’use. Un disque dur, ça meurt. C’est la vie.

Petit bonus pour les devs :

  • Écrire du code maintenable (oui, les tests, la doc et le clean code, c’est chiant, mais ça évite de tout réécrire tous les 3 ans).
  • Choisir des technologies avec un cycle de vie long (Symfony LTS > le dernier framework à la mode qui va disparaître dans 6 mois).
  • S’éduquer soit même et les autres : non, on ne peut pas garder WordPress 3.0 en 2025 « parce que ça marchait très bien ».

La vraie question : et si le problème, c’était nous ?

On veut des trucs puissants, pas chers, et qui durent 10 ans. Sauf que :

  • Puissant + pas cher = souvent pas de qualité
  • Durable = souvent plus cher

Alors on a deux choix :

  1. Payer le prix pour du matériel solide et bien conçu.
  2. Accepter que les trucs low-cost, ça casse vite — et arrêter de jouer les surpris.

Et si on arrêtait de tout mélanger ?

L’obsolescence programmée existe, mais elle est marginale. Ce qui ne l’est pas, en revanche :

  • La merle industrielle (des produits mal fichus, non réparables, avec des pièces collées).
  • Notre propre consommation frénétique (on change de téléphone tous les 2 ans parce qu’on en a envie, pas toujours parce qu’on y est forcés).
  • L’ignorance technique (non, ton PC ne ralentit pas parce que Microsoft complote, mais parce que tu as 150 onglets ouverts et 3 antivirus qui se battent en duel).

Alors avant de crier au scandale :

  • Vérifie si c’est vraiment de l’obsolescence programmée (spoiler alert : probablement pas).
  • Regarde si t’as pas juste un produit de merle (spoiler alert : probablement oui).
  • Demande-toi si t’es prêt à payer plus pour du durable (spoiler alert : …).

Et toi, t’en penses quoi ?

T’as déjà accusé un fabricant d’obsolescence programmée… avant de réaliser que t’avais juste un cable qui traînait mal ? Ou pire : t’as déjà codé un truc en sachant pertinemment qu’il serait obsolète dans 3 ans ?